Les gros patinent bien , visuels de ©Fabienne-Rappeneau.jpg
Cédric Vasnier

Un "idiot" si populaire

par Alexis Campion publié le 06/02/2022

Un « idiot » si populaire

Succès   : Le cabaret de carton de Pierre Guillois joue les prolongations a Paris tandis que sa comédie musicale spatiale tourne en France

Ses pièces burlesques cartonnent. Mais qui connait Pierre Guillois, son allure nerveuse, ses cheveux ni tout a fait blonds ni exactement boucles et, , son théâtre lou­foque peuple de personnages gro­tesques? Auteur, metteur en scène, parfois comédien, ce drôle de zigue signe plus de spectacles qu’il n’en joue depuis vingt ans déjà, trente si on compte ses année « squat » au temps de l’hôpital éphémère, lieu de création incontournable Montmartre des années 1990.

A cet hyperactif persévérant et gentiment allumé par la suite asso­cié aux théâtres du Quartz à Brest ou de Bussang dans les Vosges, on doit entre autres Les caissières sont moches, Les Affreuses, Un coeur mangé, Nique la misère, Opéra­ porno …Sans oublier Le Gros, la Vache er le Mainate, ,avec Bernard Menez en 2010, et Bigre, molière du meilleur spectacle comique en 2017. Dans ces deux derniers, francs succès, Guillois se mettait en scène, burlesque à souhait, au côté d’autres comédiens tous aussi physiques et désopilants que lui. Par mieux, Olivier Martin-Salvan, barbu pore!€ peu commode. A son c6te, Guillois le maigrichon grima­çant, trop gentil et trop soumis, fait la paire. Façon Laurel et Hardy, c’est ce duo maitre-eslcave qui cartonne cet hiver dans Les gros patinent bien. Jouée depuis décembre à gui­chets fermés dans la grande salle du Rond-Point aujourd’hui reprise au Tristan-Bernard , cette farce relève d’un genre inédit emballant : le « théâtre d’écriteaux ». Imaginée au printemps 2020,  dans l’énergie du désespoir  :» alors que les théâtres étaient déclarés zone interdite, elle met en scène un voyage, tour à tour aérien et aquatique, de l’Islande vers l’Espagne. Martin-Salvan incarne le voyageur, furieusement bavard dans son costard. Sauf qu’on ne comprend rien  sabir dans lequel ii s’exprime sans jamais se lever de son tabouret, un ragoût d’anglais approximatif ! Debout, en maillot de bain, Pierre Guillois s’agite autour de lui et sauve la représentation à chacune des paroles incompréhensibles de son complice, il brandit des cartons avec des clés :  « mouette », « Islande »,  « sirène », etc. Autant de références qui permettent au spec­tateur d’entrer dans l’histoire et d’en imaginer les paysages, les situations. Hilarant, fragile comme le verre mais fort de son économie de bouts de ficelle autant que de ses gags, le voyage se poursuit ainsi, vaille que vaille, jubilatoire.

Longtemps marginal, l’univers de Pierre Guillois s’est forgé, nous explique t-il, au gré de rencontres improbables avec, entre autres, Claude Stratz, Jean-Claude Grumberg et surtout Jean Michel Ribes, l’actuel directeur du Rond-Point, dont il fut l’assistant et dont il loue l’esprit de liberté : » Il a longtemps été un franc-tireur dans le monde institutionnel du théâtre , ça s’est distillé en moi ». résolument burlesques , volontiers nourries de répliques absurdes ou d’acrobaties, ses pièces ne sont pas moins précises et exigeantes. Petit à petit, Guillois a ainsi créé un univers fédérateur et cohérent qui lui appartient. « Le premier ressort reste le théâtre physique, le slaptick (l’humour avec une certaine violence exagérée, comme le bâton de Guignol), explique-t-il. Se sen­ tir idiot en plus de faire l’idiot, je l’ai souvent ressenti, alors j’ai appris Cl le maitriser très sérieusement.’ »
C’est cette fantaisie, échevelée mais bien huilée, que l’on retrouve dans le déjanté Mars-2037, une comédie musicale spatiale, actuel­lement en tournée, pour laquelle
Guillois s’est inspire d’Elon Musk Avec une troupe de chanteurs lyriques, sur une musique contem­poraine de Nicolas Ducloux (Opéra­ Porno), ii a imagine le voyage vers Mars d’un milliardaire fantasque avec trois navigants et une poule Ce spectacle nécessite une machi­nerie impressionnante: les comédiens chanteurs y apparaissent en apesanteur! Un défi qu’il faut voir pour y croire, fort de trucages dont Pierre Guillois garde le secret, indiquant ­ juste qu’ils ont été mis au point avec des ingénieurs aéronautiques« C’est un dispositif cher a produire, il a coûté plus de   500 000 euros et il demande trois jours de montage. II a joué 30 fois en Autriche, où on l’a créé , et s’il a obtenu 50 dates en France, je crains qu’on n’en fasse que la moitié à  cause de la pandémie… »
De telles déconvenues seraient sans doute moins lourdes à digérer dans le cas des Gros, son cabaret tout  en carton, « le plus léger de tous mes spectacles », se félicite Guillois. Il nécessite quand même, deux techniciens afin de gérer les 400 cartons en coulisses et, avant chaque représentation, « à peu près cinq heures de mise en place pour réparer, remplacer et réordonner les cartons ayant  servi la veille »